Site de fan de la chanteuse Marie France

Inauguration de la plaque DANIEL DARC

(apposée au 1 rue Charles-Delescluze)
le jeudi 19 juin 2025,
de 18 h 20 à 19 h 15,
face aux jardins Majorelle,
espace René Lebas (75011 Paris) :

• GEORGES BETZOUNIS, alias DELANEY BLUE, interprète trois chansons en anglais. Il s’accompagne lui-même à la guitare acoustique.

• MARC DUFAUD lit deux poèmes inédits de Daniel Darc : “Les enfants” et, de 2012, “Tant d’images”.

• FRÉDÉRIC LO :

« Je suis très ému d’être ici. J’habitais au troisième étage du 1 rue Charles-Delescluze. Daniel résidait au 3 de cette rue. On a enregistré “Crèvecœur” dans mon appartement pendant quatre ou cinq ans.

Je voyais Daniel rentrer comme ça chez lui. Un des héros de mon enfance, l’ancien chanteur du groupe français sulfureux Taxi Girl. Un jour, je sors en courant de chez moi et je tombe sur lui. J’allais manger. Je lui propose de boire une bière. Et d’une bière, je lui ai proposé qu’on mange une pizza ensemble. Il n’était pas contre.

Ici, rue Charles-Deslescluze, début 2000, j’ai proposé à Daniel d’écrire une chanson pour la chanteuse et comédienne Dani. Elle venait de faire un étonnant comeback avec “ Comme un boomerang”. Cette chanson, écrite et composée par Serge Gainsbourg, avait été interdite pour l’“Eurovision”. Elle fait ce duo avec Étienne Daho. Comme ça, par hasard, grâce au succès, on leur propose de faire un album entier.

Dix ans plus tôt, en 1994, Daniel avait sorti un album magnifique, “ Nijinsky”, dans une quasi-indifférence. En 2000, il avait 40 ans. Son œuvre était devenue très confidentielle. Ce qu’on appelait alors les maisons de disques le disaient perdu.

Pour ma part, je trouvais incompréhensible qu’un artiste aussi talentueux et singulier soit dans une telle impasse artistique.

Avec cette opportunité de faire une chanson pour Dani, grâce à un ami qui travaillait chez EMI, j’ai pensé à contacter Daniel. C’était assez simple : il y avait un Franprix là-bas. J’y allais le matin acheter du lait ou du jus d’orange, et lui peut-être une, deux ou trois 8-6, suivant l’argent qu’il avait en poche.

J’avais vraiment envie de faire quelque chose pour réentendre sa voix si singulière et sa belle poésie. Cette première chanson, “Rouge rose”, nous a tout de suite plu. Elle fut le début de notre collaboration. Daniel aimait beaucoup ce mot “collaboration”. Normalement, il rigolait en disant ce mot-là.

Jour après jour, ensuite, dans une ambiance quasi monastique, nous avons travaillé ensemble dans mon studio. Ce n’était autre que le salon de mon appartement parisien, au 1 de cette rue. Daniel écrivait des textes, je composais des mélodies, je les arrangeais.

C’était simple et magique. Il allait faire une sieste, j’allais acheter quelques denrées bon marché au marché d’Aligre, à 13 heures, quand les marchandises étaient bradées.

Notre duo de songwriters fonctionnait – pour nous, je veux dire. Le résultat fut “Crèvecœur”. Ce titre, c’est Marc Dufaud qui l’a trouvé. Quand il a écouté l’album en entier, il a dit à Daniel : “Ce disque, c’est un vrai crèvecœur.” L’album dépassera nos espérances. Superbement accueilli par la presse et surtout par le public.

Nous avons ensuite fait des concerts et un autre album, “Amours suprêmes” (2008). Nous avons composé une multitude de morceaux. Huit années d’intense collaboration. Pardon de réutiliser ce mot.

De façon paradoxale, sans que je m’en rende compte, le succès critique fit plaisir à Daniel, mais le plongea dans une profonde dépression. Dans ce contexte, nos vies et nos chemins se séparèrent.

Les années passèrent. Un jour, Daniel revint voir mon studio. L’envie de retravailler ensemble revint, elle aussi, mais trop tard. Daniel disparut très vite après, soudainement.

Je remercie Dieu. Je remercie Daniel, s’il m’entend quelque part, pour cette aventure intense, belle, pleine d’amour et d’humour. Darc & Lo, presque un oxy-nevermore. Daniel disait : “Le rock’n’roll m’a sauvé la vie, il me l’a aussi raccourcie.”

Je tiens à remercier Anne Hidalgo pour cette plaque, pour ce moment. François Vauglin, maire du 11e arrondissement.

Je remercie infiniment Laurence Patrice, sans qui cette plaque n’existerait pas. Marc Dufaud, qui a été fondateur dans ma collaboration avec Daniel. Egidio Alves Martins, qui a permis à “Crèvecœur” de paraître chez Universal. Christine-Blaise Delan-Didot.

Je vous remercie tous. Ainsi que tout le public qui a aimé Daniel. Je remercie à nouveau Daniel. »
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• FRANÇOIS VAUGLIN,
maire du onzième arrondissement :

« Une confidence : pour préparer cette cérémonie, j’ai réécouté les chansons de Daniel Darc, ses albums solo, et celles de Taxi Girl. Mon attention s’est portée sur un single sorti en 1984. La mélodie, sous l’influence du compositeur Mirwais Stass, était teintée d’electro. Les paroles, quant à elle, étaient l’œuvre de Daniel. Il s’était défoulé. Vous l’avez peut-être deviné, il s’agit de “Paris”.

Il évoque notre ville, “ville de nos rêves”. Et avec son chanter-parler si caractéristique, il dit que Paris est “juste une grande poubelle”. Que chaque jour, des mômes meurent d’avoir un peu trop respiré son bon air.

À l’avant-dernier couplet, il demande comment s’épelle Paris. Une voix répond : “P.A.R.I.S.”. Lui, il dit : “Non.” Là, ma fonction m’oblige à m’éloigner du texte et à procéder par allusion, pour ne pas citer les cinq lettres du fameux mot de Cambronne.

En écoutant tout cela, j’ai trouvé amusant que, par ces facéties dont l’histoire a le secret, plus de quarante ans après cette chanson, notre ville rende hommage à ce grand artiste. Finalement, la “ville de nos rêves” n’est pas rancunière. C’est très bien comme cela.

Daniel Darc représentait une forme de contre-culture. Celle qui refusait les contraintes qu’impose notre société. Celle qui, du moins dans cette contre-culture, où il a puisé dans la musique mais aussi la littérature. Avec, au premier chef, la beat generation.

Petit, il s’est enthousiasmé d’abord pour le karaté, les arts martiaux. Par l’intermédiaire de films qu’il découvre dans un cinéma du 9e arrondissement à la façade majestueuse, le Hollywood Boulevard.

Ce cinéma n’était pas si loin de la rue Cauchois (75018) et du trois-pièces dans lequel il habitait avec ses parents. Son père, Abraham, était fan de jazz. Les premiers contacts de Daniel avec la musique se font par son intermédiaire.

À 10 ans, il découvre le rock. Il démarre une boulimie de musique qui ne s’arrêtera plus. Ses années lycée, il les passera surtout à Balzac, cet établissement qui, à l’époque, avait une petite réputation.

On retrouve régulièrement ses élèves en tête des manifestations. Daniel ne faisait pas exception. Il traîne avec des autonomes. Sans doute était-il plus inspiré par leur extrêmisme et leur radicalité que par leur vision politique. Je ne sais pas. En tout cas, ce qui l’intéressait avant tout, c’était la provocation.

C’est aussi à cette époque qu’il a rejoint Taxi Girl. La drogue y prenait déjà une certaine importance. Très vite, viendront les premiers concerts. Notamment au Rose Bonbon, dont Taxi Girl deviendra le groupe local. Ils se produiront également au Bataclan (75011), en décembre 1978, en première partie de Pere Ubu.

Ils commencent à écrire leurs propres chansons. “Mannequin”, leur premier single. “Cherchez le garçon” (1980). Ca fait partie de ces mélodies qui nous restent bien dans la tête après les avoir écoutées.

La drogue nuit à la bonne entente du groupe. C’est un peu en permanence la guerre contre tous. Ils étaient six membres au départ. Certains quittent le groupe. Surtout, ils connaîtront ce drame avec le décès en 1981 de Pierre Wolfsohn.

L’aventure Taxi Girl prend fin en 1986 avec ce titre en guise d’adieu, “Je suis déjà parti”.

Daniel Darc se lance en carrière solo. Il doit faire face aussi à ses démons qui lui feront se débattre avec la vie, aux frontières de la mort, et même jusqu’à la prison. Il publie quelques essais, se convertit au protestantisme. Il fera cette rencontre déterminante avec vous, cher Frédéric, dans cette rue Charles-Delescluze.

C’est au numéro 3 qu’il y a vécu pendant quinze ans. Il aimait ce quartier un peu à l’envers de Bastille. Il y tutoyait les commerçants. Il passait des heures au Silence de la rue, rue Faidherbe.

Frédéric, avec Daniel, vous ferez ensemble l’album “Crèvecœur” (2004). Cela marquera son grand retour avec, en 2005, une Victoire de la musique dans la catégorie “album révélation de l’année”.

À 46 ans, et au regard de sa discographie, cela pouvait sembler ironique. Tout comme d’ailleurs cette reconnaissance par Paris de cette ville qu’il a si gentiment malmené.

Il retrouve le devant de la scène, collabore avec de nombreux artistes, dont Alain Bashung. Toujours avec Frédéric, il sort un nouvel album, “Amours suprêmes” (2008). Il semblait avoir trouvé une forme d’apaisement. Mais sa santé cabossée a fini par ne plus résister. Il décède le 28 février 2013.

Il était ce chanteur doté d’une belle plume. Ce poète qui, avec cette plaque, avec son nom inscrit dans l’espace public, viendra enrichir tout ce onzième arrondissement littéraire. Il rejoint de grands noms, de grands auteurs : Voltaire, Alexandre Dumas, Jules Verne. De grandes autrices : Violette Leduc, Toni Morrisson. Ainsi que d’illustres personnages de romans, comme Benjamin Malaussène, de Daniel Pennec, et monsieur Hire, de Georges Simenon.

Avec cette plaque, il vient compléter les musiciens de notre arrondissement qui sont mis à l’honneur, tels que Francis Lemarque, Damia ou Renée Lebas.

Mesdames et messieurs, dans “Amours suprêmes”, DD chantait : “Quand je mourrai, j’irai au paradis / C’est en enfer que j’ai passé ma vie” Je ne sais pas s’il y a un au-delà, mais ici bas, une chose est sûre, avec cette plaque, le souvenir de Daniel Darc, et à travers lui, de son œuvre, continueront de vivre, et ça, ça nous fait du bien. »

• LAURENCE PATRICE,
élue adjointe à la maire de Paris
en charge de la mémoire et du monde combattant :

« Ma camarade et copine Raphaëlle Primet a porté ce projet depuis 2019, lors de la mandature précédente. On a eu un peu de mal à faire aboutir le projet. Raphaëlle a été très aimablement insistante pour qu’il aboutisse. Pour ma part, j’ai aussi beaucoup insisté.

Il y avait différentes adresses possibles. Elles ne fonctionnaient pas toujours. On a essayé de trouver des solutions. C’est comme ça que nous sommes arrivées au choix du onzième arrondissement. J’avais promis à Raphaëlle que ce serait fait avant la fin de cette mandature. J’ai donc quelques mois d’avance. Je me réjouis que l’on puisse ainsi se souvenir de Daniel.

J’ai en tête “Je me souviens, je me rappelle”. En tant qu’adjointe chargée de la mémoire, cela me parle beaucoup. Mais aussi parce qu’il me semble très important que, dans Paris, il y ait beaucoup de références mémorielles dans Paris aux luttes, aux guerres, aux résistances, à la Commune de Paris. Beaucoup d’artistes ont compté, ont façonné notre capitale telle qu’elle est.

J’aime beaucoup les plaques commémoratives. Vous les découvrez au fil d’une promenade. Elles permettent de savoir, par exemple, dans quels lieux habitaient Barbara. Ou encore le jardin Serge Gainsbourg, près de la Porte des Lilas.

Daniel était ce chanteur, cet écrivain majeur, ce poète mélangeant le punk, la poésie, avec un zeste de spiritualité. Quelque chose d’assez mystique. C’est un personnage qui représente tellement un certain moment de la vie à Paris.

Nous nous disions avec Raphaëlle que, certes, il a écrit cette chanson “Paris”. Mais c’était en 1984, quand Paris était encore à droite, je tiens à le dire. Cela me semble un hommage naturel.
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J’espère qu’en levant les yeux, en passant dans cette rue, des gens auront envie de découvrir l’oeuvre de Daniel et la musique qui l’accompagne. »
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• RAPHAËLLE PRIMET,
coprésidente du groupe Communiste et citoyen du Conseil de Paris :

« Ça fait douze ans que Daniel nous a quittés. Votre présence montre ici qu’on ne l’a pas oublié. Il est encore avec nous. Je suis très émue de cet hommage. Ma jeunesse et celle de beaucoup de personnes présentes ici ont été marquées par Taxi Girl.

C’était un putain de bon groupe. L’un des rares groupes punk en France qui aient réussi à passer le mur du son. Nos Stranglers à nous. Ils ont connu le succès avec “Cherchez le garçon”. Un succès vécu parfois comme une trahison par un certain public d’initiés, mais un succès éphémère.

Puis la chute. La traversée du désert. Un désert semé d’albums cultes : “Sous influence divine”, et surtout “Nijinsky”, conçu avec Georges Betzounis (guitare) et Ria de Spell (basse), qui s’appelaient alors les Weird Sins.

Et la rédemption avec “Crèvecœur”, réalisé avec Frédéric Lo, que je remercie d’être là. Suivront “Amours suprêmes”, toujours avec Frédéric, et “La taille de mon âme”, réalisé avec Laurent Marimbert. Et le silence, trop tôt – c’est toujours trop tôt.

Daniel, c’est une voix singulière, un timbre unique. Un artiste fulgurant, insaisissable. Un poète de la nuit. Un parolier sublime. Il était sincère, à fleur de peau. Ses mots parlaient d’absolu, d’amitié, de chute, de foi, de beauté. Ils ont marqué des générations et continuent à le faire aujourd’hui.

Daniel est devenu une figure mythique. Il y a eu tous ces livres, beaucoup de livres. Les films de Marc Dufaud, dont “Pieces of My Life”. Et ce disque hommage en 2023, réalisé par Frédéric Lo, où figurent beaucoup de gens avec qui Daniel avait collaboré : Étienne Daho, Peter Doherty, Benjamin Biolay, Elli Medeiros, Jean-Jacques Burnel,... Tous disent ce qu’il représentait, ce qu’il nous laisse.

Au-delà de la musique, je me souviens, je me rappelle de son sourire désarmant. De ses yeux noirs, souvent malicieux, parfois perdus. Il était beau. Il avait cette façon unique de parler, à voix basse, presque à l’oreille. Comme s’il ne voulait que vous et personne d’autre puissiez l’entendre.

Je me souviens de nos discussions, impérieuses, désordonnées, passionnées. Sur tout : la religion, Elvis, Johnny Cash, les filles, le tai chi, parfois même la politique. Il était attachant, charmeur, timide, fan absolu. Il avait une immense culture musicale et littéraire.

Je me souviens aussi de la silhouette de Daniel marchant dans les rues de Pigalle, de Barbès, de plus en plus penchée/Flanchée au fil des ans.

Daniel Darc, c’était Paris. Non pas comme un décor, mais comme un terrain de jeu, une obsession, un piège. Il arpentait cette ville tel un poète maudit en quête d’échos à ses colères, à ses blessures, ses espoirs.

Certains diront qu’un punk n’a pas besoin de plaque ni d’hommages. Mais je crois qu’aujourd’hui, tous ici, nous sommes heureux qu’une plaque vienne rappeler sa présence dans les rues de cette ville qu’il a tant aimée.

Rendre hommage à Daniel dans sa ville, c’est reconnaître qu’il fait partie de notre mémoire. Qu’il a marqué nos vies, notre imaginaire collectif. Il était libre, sincère, écorché. Un survivant profondément vivant. Et voilà. Et je vous remercie. »

• Clin d’œil de DANIEL DARC : au moment où la plaque va être dévoilée, les cloches de l’église Sainte-Marguerite (où Daniel Darc allait très souvent) retentissent. Ce sera la seule fois durant cette heure de cérémonie qu’elles sonneront. Aucun doute à avoir : un signe envoyé en direct par DD.

• FRÉDÉRIC LO : guitare acoustique en bandoulière, il interprète “La pluie qui tombe”, “Je me souviens, je me rappelle”, “Rouge rose”.

Retranscription des propos
+ photos prises le 19 juin 2025
par François Guibert
(7 juillet 2025)

N.B. : une page spéciale consacrée au concert “L’outrebleu” de Frédéric Lo (chant + guitare) le 10 juin 2025 au Café de la Danse sera en ligne cet été sur ce même site. Mélie Fraisse (violon, clavier, choeurs), Jan Stumke (clavier), Alain Verderosa (basse), Victor Paimblanc (guitare), Philippe Entressangle (batterie) l’accompagnaient.

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