« Gilbert Montagné au piano ! »

© BENJAMIN SCHOOS,
(18 juillet 2012,
sur sa page Facebook)

BENJAMIN SCHOOS
& JACQUES DUVALL :
LES DEUX FONT LA PAIRE

Excellent article
ci-dessous rédigé par
© Marie-Anne Georges
(“La Libre Belgique”, 
14 juillet 2012).

“China Man Vs China Girl” est le nouvel opus de Benjamin Schoos. Avec un catcheur de série B en anti-héros. Jacques Duvall a concocté ces petites histoires comportant, on s'en doute, des niveaux de lecture multiples.



En voilà deux qui font la paire. En l’occurrence, Benjamin Schoos et Jacques Duvall, que l’on retrouve dans une librairie restaurant de l’est de Bruxelles,
à l’occasion d’un album qu’ils ont concocté ensemble, “China Man Vs China Girl”.



On ne présente plus ce grand échalas qu’est Jacques Duvall, parolier des “Brunes (qui) ne comptent pas
pour des prunes” ou “Banana split” pour Lio et autres chansons pour Marie France, Alain Chamfort
ou Étienne Daho.



Dans une précédente vie, Benjamin Schoos s’appelait Miam Monster Miam et sortait “L’homme libellule” (2007) ou “Soleil noir” (2005). Là, il s’est réapproprié
son nom parce qu’il a produit cet album « seul, vraiment seul », insiste-t-il. Une année de travail solo donc, dans
son studio sérésien, plutôt le soir, parce que la journée, il travaillait sur d’autres projets. Ce n’est pas pour rien que son comparse le qualifie de « centre d’énergie ». « Il n’a pas une idée, il en a dix. Il a l’air calme comme ça, mais il peut se transformer en loup-garou. » Nous voilà prévenu.

Pour “China Man Vs China Girl”, l’expression auteur-compositeur-interprète revient pour un tiers à Jacques Duvall tandis que les deux autres sont attribués à Benjamin Schoos. « Cet album a été surtout écrit au piano. En général, je travaille de manière aléatoire. J’achète pas mal de boîtes à rythmes ou des claviers qui ont des sonorités assez typées. Je cherche des choses avec ça. Cette fois, j’ai composé d’abord au piano, ce qui donne tout de suite une table d’harmonie différente de celle qu’on aurait pu obtenir à la guitare. » 

 

Benjamin Schoos aux compositions, Jacques Duvall aux textes. Quand on travaille à deux, comment s’organise-t-on : qui fournit en premier l’autre ? L’auteur des textes ou celui de la mélodie ? « Quand Benjamin m’a envoyé
une musique qui avait des sonorités orientales, dit Duvall,
le concept a éclos. On savait qu’on allait parler d’un sport
de combat. L’idée du catch est, elle, venue par hasard. » 
« Moi, j’aurais voulu un fil conducteur autour de la boxe. Mais comme Miles Davis l’avait déjà fait… », sourit Benjamin. 



« Tout est venu petit à petit. Quand Benjamin a évoqué
la boxe, j’ai pensé à Arthur Cravan (poète et boxeur britannique de langue française, NDLR) et à son défi
lancé à Jack Johnson, champion du monde poids lourd de l’époque (au début du vingtième siècle) », raconte l’érudit. La trame prend forme, qui connaît diverses directions. 



« Cette histoire d’un catcheur de série B qui perd tous ses combats peut aussi servir d’allégorie amoureuse. » Sauf qu’ici les clichés sont inversés. L’homme est faible et la femme forte. « Peut-être que même dans la réalité, c’est comme ça », ose Jacques. Et Benjamin de surenchérir : 
« Il y a la Chine aussi. » 



Décidément, les métaphores se bousculent. En une sorte
de partie de ping-pong. À l’image de leurs sessions de travail ? Pas vraiment puisqu’ils ont plutôt l’air de travailler chacun de leur côté. Jacques fournissant ses textes clés sur porte, Benjamin les accepte-t-il comme
tels ? « En général, ça me plaît ou ça ne me plaît
pas », explique celui-ci. « Finalement, on discute peu.
Cela se fait naturellement », enchaîne Jacques. « Ce que j’attends de Jacques, il me le donne. Et je pense qu’au niveau musique, c’est pareil », poursuit le compositeur-interprète. « Oui, voilà », acquiesce l’auteur, avec son air de ne pas y toucher.



Quelle belle entente ! Le couple idéal dans toute sa splendeur ? Couple artistique, en tout cas, qui ne prémédite pas ses créations. « On n’a pas vraiment de formule. Laurent Voulzy, il conçoit ses disques de manière un peu mathématique. Nous, on est davantage dans l’empirique. Parfois, on peaufine. Par exemple, on corrige les pieds quand cela ne colle pas. Mais on ne se dit jamais : “Ce mot-là, on ne va pas le mettre parce que les gens ne comprendront pas” ou “ce n’est pas ce qu’on attend de ce type de chanson” », analyse Benjamin Schoos.



Aucune censure donc, ce qui n’empêche pas de se demander, en entendant Jovovich rimer avec Nieztsche (sur “Catch”), si l’auteur ne se lancerait pas des petits défis. « Non, ce ne sont pas des défis, estime Duvall. Au contraire, ce sont des permissions. Il y a des interprètes qui sont très définis et avec qui il y a intérêt à ne pas sortir du cadre. Et puis, il y en a d’autres, un peu comme Benjamin, avec lesquels on peut tout faire. » 



Est-ce à dire qu’un auteur se doit de posséder pas mal
de psychologie, de feeling ? « Oui. En même temps, je ne travaille qu’avec des gens que j’aime bien. Mais je suis tout disposé à écrire pour Johnny Hallyday s’il venait à me le demander. » Appel est lancé. C’est qu’on n’approche pas Johnny comme on contacte Laetitia Sadier (ex-Stereolab), par exemple. Une des invitées de “China Man Vs China Girl”, avec Marie France, Chrissie Hynde et Mark Gardener. Elle y interprète “Je ne vois que vous” que Benjamin Schoos avait composée pour elle, même si Mademoiselle Nineteen (autre signature de l’écurie Freaksville) l’a aussi enregistrée sur son album éponyme sorti en février dernier.



Des chansons qui passent d’un interprète à l’autre, cela n’étonne absolument pas Jacques Duvall. Ce dernier 
se souvient avoir lu, dans un bouquin relatant les débuts
de Serge Gainsbourg, que « dans le temps, on écrivait une chanson et on ne savait jamais qui allait la chanter le premier. Il existe trois ou quatre versions de “La Javanaise” ou du “Poinçonneur des Lilas” qui ont été chantées à peu près en même temps. » 



Les “featurings”précités l’ont peut-être quelque peu aidé, toujours est-il que Benjamin Schoos se lance sur le marché anglais. « C’est d’Angleterre que nous sont parvenus les deals les plus ouverts, les plus francs », observe-t-il. Une audace qui a épaté Jacques Duvall. « Cela m’a fait rigoler quand il m’a dit : “Je vais laisser tomber la France, on dépense trop d’argent et il n’y a rien qui se passe. Je vais plutôt tenter l’Angleterre.” Dans le métier, tout le monde qualifie les Anglais d’extrêmement protectionnistes, insistant sur le fait qu’il faut savoir chanter anglais de manière impeccable. Or, il est occupé à se payer des bonnes critiques dans pas mal de magazines anglais recherchés,
comme Q Magazine. » 



C’est que la french touch séduit toujours. Après de nombreux passages de “Je ne vois que vous” sur les ondes anglaises, Benjamin Schoos a reçu beaucoup de tweets de DJs qui lui demandaient de traduire certains passages.
Ils ont surnommé cette chanson la « froggy song ». Trois mille exemplaires de l’album ont été écoulés de l’autre côté de la Manche. Tandis qu’un label américain, qui avait imprimé une cassette audio de la chanson, en a écoulé deux cents en deux semaines. Les Inrockuptibles français n’ont pas manqué de qualifier Benjamin Schoos de « disciple doué de Gainsbourg », rien moins.



Quant à la Belgique, l’accueil semblerait plus froid. 
« Il ne faut pas exagérer. En même temps, peut-être que
les gens ont besoin de voir de nouvelles têtes. » 
« Nous sommes prolifiques, on n’arrête jamais, conclut Duvall. Claude Semal a dit : “Si on réalise un truc chaque année, c’est à chaque fois plus difficile d’en parler.” » 
Se faire oublier pour mieux récidiver ?

© Marie-Anne Georges
(“La Libre Belgique”,
14 juillet 2012).

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